Le café du matin

Publié le par Jef

tasse-de-cafe.jpgLe Khédive était déjà peuplé à cette heure matinale et faisait montre d’une activité presque fébrile. Le café de François refroidissait lentement sur la petite table aux pieds à tête de lion qui la rendaient particulièrement malcommode.

La petite dame à gauche s’est levée, très polie. Au revoir monsieur. Elle a quitté le café avec son chien en poursuivant son monologue. Petite voix intérieure qui avait plusieurs fois fait surface et révélé une douce fêlure participant de l’ambiance du lieu. Ses cartes postales écrites, son paquet de mouchoir, sa jolie carte de téléphone, elle avait tout, elle pouvait avancer.

Le café se réveillait doucement, avec François, entraîné par la voix de Piaf chantant la foule sur radio nostalgie. Le défilé des clients du tabac s’intensifiait, chacun venant recharger sa dose nécessaire de dope quotidienne. Le temps n’avait pas la même consistance dans cet espace réservé entre la fin de nuit et l’arrivée du jour. François aimait ces interstices temporels et regrettait de ne pas pouvoir les vivre plus souvent. Comme une faille dont il profitait à chaque fois pleinement et égoïstement. Ces instants étaient pour lui seul, non partageables, indispensables.

Lors de sa déambulation, il avait croisé les balayeurs qui – tâche ingrate – rendent les trottoirs de la ville à nouveau praticables et les caniveaux navigables. Les premières boutiques s’allument faisant apparaître les mises en place des baguettes, des journaux, une installation de la vie dans la cité.  On pouvait à toute heure vivre, voir, rencontrer la ville comme un libre service qui donnait ces sensations particulières à l’habitant des grandes cités.

Le passage s’annonçait vers une journée nouvelle qui commençait sous la pluie, cette petite pluie si typique du nord de la France qui pouvait être si pénétrante parfois. Hier, une carte de l’ensoleillement moyen montrait clairement le déficit accentué dans la zone la plus extrême. Ils se dirent alors qu’un jour, ils iraient vivre ailleurs pour chercher ce qui manquait ici.

Eleanor Rigby rythmait à présent le lieu provoquant des accents de lovely people. François hésitait à rentrer. L’écriture s’espaçait, se distendait, s’amenuisait pour bientôt s’arrêter naturellement. Ne pas forcer, ne pas vouloir à tout prix pousser le mot à sortir, François savait que cela ne donnerait rien de bon. Et puis lundi serait un autre jour une nouvelle fuite aussi, peut-être – ou un retour – ils partaient pour Bangkok retrouver des effluves connues des goûts oubliés.

Jef
Lille, 16 décembre 2006, 7h30

 

 

 

Publié dans Instantanés

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J
Maussade n'est pas le terme que j'aurai employé, plutôt une forme de rêverie, de mélancolie peut-être dont je suis coutumier les matins d'hiver dans le nord ... mais aujourd'hui le ciel est bleu sur la capitale des Flandres et mon coeur est amoureux donc c'est bien ...
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S
Hello Jean FrançoisTu avais l'air bien maussade il y a un an.J'espére qu'il n'en est pas de même en cette veille du 16 décembre 2007.Ici à Marseille le ciel est gris (la premiére fois depuis mon arrivée) et il pleut.J'ai confectionné un cake aux citrons et graines de pavots pour ramener le soleil.BisesSylvie
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